TRIBUNE – Censure du gouvernement : quand la pêche française se meurt dans un silence assourdissant.

Posté le 06/12/2024

Alors que le gouvernement vient de tomber, peu de secteurs en France abordent les échéances de fin d’année avec autant d’appréhension que la filière pêche. En exemple : le Conseil des Ministres, qui se tient à la Commission Européenne dans quelques jours, définit les possibilités de pêche pour les professionnels en 2025. Il n’y aura pas de Ministre français pour négocier. Comment la filière française va pouvoir faire face aux multiples enjeux qu’elle doit affronter, sans une administration forte pour statuer, légiférer ou défendre les intérêts des professionnels ?

José Jouneau, marin pêcheur pendant plus de trente ans, Président du Conseil Spécialisé Pêche FranceAgrimer, Président du Comité Régional des Pêches des Pays de la Loire, Président de l’Organisation de Producteurs OP Vendée et Président de l’Association Interprofessionnelle Loire Océan Filière Pêche, craint pour l’avenir des milliers de marins qu’il représente.

Les Sables d’Olonne, le 5 décembre 2024

« La filière n’abordait pas les prochaines échéances avec sérénité : des quotas qui baissent chaque année en dépit d’une ressource qui se porte de mieux en mieux et d’une profession qui s’effondre, une fermeture du golfe de Gascogne – pendant un mois crucial pour la pêche de toute la façade – toujours incomprise, des Halles à Marées qui sont au bord de la rupture en raison de la chute des apports… Mais aujourd’hui, en assistant au triste spectacle que le monde politique nous offre, je crains encore plus pour celles et ceux qui se lèvent (très tôt) chaque jour pour mettre du poisson sur nos étals. Nous allons devoir affronter une tempête sans capitaine à la barre. Irresponsable. Le mauvais temps ne nous a jamais fait peur, mais le silence qui entoure le naufrage à venir est effroyable.
J’ai bien conscience que la filière pêche n’a pas le vent en poupe : elle ne pèse pas assez dans l’économie globale de la France pour faire partie des grands débats publics, elle est matraquée et décriée chaque semaine dans les médias suite aux coups de semonces de ses détracteurs, elle subit les injonctions de la commission européenne car la France pèse de moins en moins dans les discussions, elle doit cohabiter avec de nouveaux usages dans ses espaces historiques (EMR) qui contraignent toujours plus son activité…

Malgré le travail et les efforts, malgré l’implication et les concessions, rien ne va jamais assez vite, rien ne va jamais assez loin. Le marin se sent seul, délaissé. Le chalutage est devenu un métier de pestiférés. Le filet est un métier à risque. La pêche à la ligne est dangereuse pour les oiseaux. Si l’on s’en tient à ce que l’on peut lire sur la pêche, on ne se sent pas dignes de faire partie des activités sociales et économiques du secteur maritime. On ne se sent pas dignes de faire vivre l’économie des territoires
littoraux. On ne se sent pas dignes de faire partie de la culture de nos régions.

Alors que les perspectives étaient déjà bien mauvaises, quel avenir nous sera réservé dans un contexte aussi instable et morose ? Nous avons toujours défendu nos métiers, notre pratique de la pêche qui reste, n’en déplaise à certains, l’une des plus vertueuses au monde. Et nous continuerons à le faire. »

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